Lorsque tous les hommes se retrouvent donc assis, chacun sur leur tombe, il y en a parmi eux qui sont nus, d’autres sont vêtus, les uns sont noirs, les autres sont blancs. Parmi eux, il y en a qui dégagent une lumière comme celle d’une puissante lampe, d’autres comme celle du soleil. Pourtant, chacun d’aux garde la tête baissée, ne sachant que faire pendant mille ans. Puis de l’Occident apparaît un feu accompagné d’un terrible grondement, qui pousse les créatures vers le Rassemblement. Toutes les créatures, hommes, djinns, bêtes sauvages et oiseaux en sont stupéfaits. Chacun d’eux est interpellé par ses œuvres qui le somment de se lever et de se présenter pour le Rassemblement. Celui dont les œuvres sont excellentes, celles-ci se présentent à lui sous la forme d’un mulet ; pour d’autres leurs œuvres se métamorphosent en des ânes ; pour d’autres encore en des béliers qui tantôt les portent sur le dos, tantôt les renversent. Si chacun d’eux bénéficie de rayons de lumière, l’un placé devant lui et l’autre à sa droite, pour éclairer sa marche et son avance au milieu des ténèbres, conformément à la Parole de Dieu – qu’Il soit exalté : « … Leur lumière se déplace devant eux et à leur droite », aucun ne dispose de lumière à sa gauche et doit affronter de ce côté une obscurité totale que nul regard ne peut pénétrer.
Tandis que les mécréants endurent mille angoisses et que les septiques sont la proie de leurs doutes face à cette obscurité totale, le croyant regarde la puissance et l’intensité de cette lumière et loue Dieu pour lui avoir donné une lumière qui le guide au milieu de ces ténèbres et qui se mette à sa disposition. Car Dieu dévoile au croyant, qui bénéficie de Ses faveurs et de Ses délices, les états des réprouvés qui endurent le châtiment afin qu’il perçoive clairement les voies qui mènent au succès et au profit. C’est ainsi que Dieu évoque la situation des gens du Paradis et de l’Enfer : « Il se leva et le vit dans les tourments du Feu infernal », « Quand leurs regards se tournent vers les habitants de l’Enfer, ils disent : O Seigneur ! Ne nous met pas avec les gens injustes ». Ceci parce qu’il y a quatre choses qui ne peuvent être appréciées à leur juste valeur que par quatre sortes d’individus : nul ne connaît la vraie valeur de la vie autant que les morts, nul ne connaît la vraie valeur de la jeunesse autant que les vieillards, nul ne connaît la vraie valeur de la richesse autant que les pauvres, nul ne connaît la vraie valeur de la santé autant que les malades.
Il y a également des hommes dont la lumière brille au-dessus de leurs pieds et à l’extrémité de leurs doigts. Chez d’autres, tantôt elle s’éteint tantôt elle brille. C’est dire qu’au moment de la Résurrection l’intensité de leur lumière est proportionnelle à la profondeur de leur foi, au même titre que la rapidité de leurs pas se mesure en fonction du poids de leurs œuvres.
Il est rapporté dans le Hadith authentique suivant qu’on a demandé à l’envoyé de Dieu – que Dieu lui accorde Grâce et Paix : « Comment serons-nous rassemblés au jour du Jugement, ô Envoyé de Dieu ! », et qu’il a répondu : « Vous serez par deux, cinq et même dix à la fois sur le même chameau ». La signification de ce Hadith, mais Dieu est le plus savant, c’est que Dieu accorde Sa miséricorde à des gens qui se retrouvent dans la Foi de l’Islam. De leurs, œuvres, Il leur crée un chameau qui leur sert de monture. Or, s’il en est ainsi, c’est que leurs bonnes œuvres sont insuffisantes, si bien qu’ils sont obligés de s’associer pour montrer ensemble le même chameau. Ils sont comme des gens en voyage, dont aucun d’eux n’a à lui seul les moyens de s’acheter une monture qui puisse le transporter. Alors deux ou trois hommes s’associent pour payer le prix de cette monture, l’achètent et s’en servent à tour de rôle pendant la route. Mais il peut arriver qu’ils se mettent à dix pour réaliser cela. Ainsi cette insuffisance d’œuvres signifie que leurs auteurs étaient avares de leur argent, c’est-à-dire qu’ils empêchaient qu’il soit dépensé pour de bonnes œuvres. Pourtant, à ces hommes dont les œuvres sont si peu de valeur, Dieu accorde la sûreté au cours de ce voyage. Aussi, ô lecteur, que Dieu te guide ! Agis de telle sorte que tes œuvres se transforment plus tard en un chameau pour toi seul. Sache que c’est là la commerce qui apporte le profit, car ceux qui craignent Dieu forment une seule troupe comme dit, le Majestueux – que Sa Majesté soit exaltée : « Le jour où nous rassemblerons ceux qui craignent Dieu en une seule troupe auprès du Miséricordieux ». De même, on rapporte dans un Hadith dit Gharib que l’Envoyé de Dieu – que Dieu lui accorde Grâce et Paix – a dit un jour à ses Compagnons : « Il y eut autrefois un homme de Banu Isra’il qui accomplit beaucoup de bonnes œuvres au points qu’il sera avec vous lors de votre rassemblement pour le Jugement dernier ».
Ses Compagnons lui demandèrent : « Que faisait-il ? » Il répondit : « Ayant hérité de son père une grosse fortune, il a acheté une ferme qu’il affecta a l’usage des pauvres, se disant : « Ce sera ma ferme auprès de Dieu ». Il a également distribué des pièces d’or en grand nombre aux nécessiteux, se disant : « Avec cet argent j’achèterai des esclaves des deux sexes auprès de Dieu ». Il a aussi affranchi de nombreux esclaves, se disant : « Ce sont mes serviteurs auprès de Dieu ». Puis un jour, ayant croisé un homme aveugle qui tantôt marchait tantôt tombait sur son visage, il lui acheta une bête pour lui servir de monture, se disant : « Ce sera ma bête sur laquelle je monterai auprès de Dieu ». Or, par celui qui détient mon âme ! Ajouta le Prophète, c’est comme si je la vois pendant qu’on l’amène, sellée et bridée, pour qu’il la monte à cette occasion.
Il importe de souligner à propos de cette Parole de Dieu – qu’Il soit exalté : « Lequel est le mieux guidé, est-ce celui qui marche en titubant ou celui qui s’avance droit sur la bonne voie », que quelques commentateurs di Coran disent que ce verset est une parabole faite par Dieu sur le Rassemblement des croyants et des mécréants au Jour de la Résurrection, comme Dieu – qu’Il soit exalté – l’indique dans cet autre verset : « Nous pousserons par groupes entier les impies dans la Géhenne », ce qui revient à dire, selon ces commentateurs, qu’ils marchent en tombant sur leurs visages. Ce n’est pas la bonne interprétation, car le secret réside ici dans le fait qu’ils titubent à d’autres moments. Leur interprétation est loin d’être acceptable dans la mesure où Dieu – qu’Il soit exalté – parle des pieds dans un autre passage « … et leurs pieds en raison des actions qu’ils ont commises ».
Quant à cet autre passage du Coran où il est dit « aveugles, muets et sourds », ceci suggère une interprétation bien différente de celle proposée par ces mêmes commentateurs, en ce sens qu’ils négligent l’allusion sur laquelle nous attirons ton attention. D’ailleurs, n’as-tu pas remarqué que les Arabes usent de cette expression métaphorique et disent : « Un tel marche sur son visage, justement quand il titube ». Ainsi, la signification du dernier passage du Coran est la suivante : ils sont aveugles par rapport au halo de lumière qui brille devant les croyants et à la droite de ceux-ci. Mais ils ne peuvent être frappés de cécité totale puisqu’ils voient sans doute le ciel se fendre avec les nuages, les Anges descendre du ciel, les montagnes se déplacer, les étoile se disperser, bref ils voient toutes les horreurs du jour de la Résurrection, comme l’atteste la Parole de Dieu – qu’Il soit exalté : « Ceci est-il enchantement, ou bien est-ce que vous ne voyez pas ? ». Donc la cécité au cours du jour de la Résurrection signifie être tombé dans les ténèbres et être privé de la vue de Dieu, le Généreux. En effet, ce jour-là, la lumière de Dieu – qu’Il soit glorifié et magnifié – irradie la terre blanche, mais leurs yeux sont entourés d’un voile obscur qui les empêche de voir tout cela. De même un sceau frappe leurs oreilles et les empêche d’entendre la Parole de Dieu – qu’Il soit exalté – et les Anges qui annoncent (aux bienheureux) : « …N’ayez aucune crainte aujourd’hui et ne vous chagrinez point », Entrez au Paradis, vous et vos épouses : vous y réjouirez ». Mais les impies sont également privés de la parole comme s’ils étaient muets. C’est ce qui est indiqué dans le passage du Coran suivant : « Ce jour-là ils ne pourront pas parler et n’auront pas la permission de présenter des excuses ». Or, lorsqu’une faculté fait défaut chez un homme, on le qualifie généralement comme incapable de disposer de puissance à cet égard. Ainsi, même si cette faculté existe en lui, il apparaît comme si elle n’existe pas à certains moments plutôt qu’à d’autres.
Il y a également des hommes qui paraissent sur la scène du Rassemblement accompagnés de leurs tentations du monde terrestre. Il y a par exemple ceux qui ont été séduits par des instruments de musique, comme le luth à qui ils sont consacrés tout leur temps. Quand l’in de ces hommes ressuscite et quitte sa tombe, il saisit son luth dans sa main droite et le jette en disant : « Loin de moi ! Tu m’as détourné du souvenir de Dieu ! » Mais le luth revient vers lui et lui dit : « Je suis ton compagnon jusqu’à ce que Dieu décide entre nous, car il est le meilleur des Juges ». De même, l’ivrogne ressuscite en homme ivre, le joueur de flûte en jouant de la flûte ; chacun ressuscite dans l’état qui l’a détourné de la voie de Dieu. C’est de qu’atteste le Hadith suivant rapporté dans les Recueils authentiques : « Le buveur de vin paraîtra lors du Rassemblement pour le Jugement, sa cruche pendue à son cou et sa coupe à la main. Il dégage l’odeur la plus infecte que puisse répandre un cadavre sur terre, et tout créature le maudit en passant près de lui ».
Les morts ressuscites également en portant sur eux les traces des injustices qui leur on été faites. Ainsi, il est dit dans un Hadith authentique que ceux qui ont été tués sur le chemin de Dieu paraissent au jour de la Résurrection avec le sang coulant de leurs blessures dont la couleur est celle du vrai sang mais dont l’odeur est celle du musc, jusqu’à ce qu’ils se trouvent devant Dieu – qu’Il soit exalté et magnifié.
Alors les Anges font avancer les hommes par groupes et par bandes, chaque homme portant ce qui lui a été assigné. Ils se rassemblent tous au même endroit, humains, djinns, démons, bêtes féroces, animaux sauvages et oiseaux. Les Anges les déplacent vers une deuxième terre qui est une terre blanche en argent lumineux. Les Anges du ciel inférieur se placent derrière les hommes et les entourent pour former un premier cercle autour d’eux. On s’aperçoit alors que ces Anges sont dix fois plus nombreux que les habitants de la terre. Ensuite Dieu – qu’Il soit glorifié et magnifié – ordonne aux Anges du deuxième ciel de descendre et de former un seul cercle autour d’eux, et on s’aperçoit qu’ils sont vingt fois plus nombreux que ceux du premier cercle. Puis les Anges du troisième ciel descendent pour envelopper le tout, et on s’aperçoit qu’ils sont trente fois plus nombreux. Puis descendent les Anges du quatrième ciel pour envelopper le tout et former un cercle dont les éléments sont quarante fois plus nombreux. Puis descendent les Anges du cinquième ciel pour envelopper le tout et former un cercle dont les éléments sont cinquante fois plus nombreux. Puis descendent les Anges du sixième ciel pour envelopper le tout et former un cercle dont les éléments sont soixante dois plus nombreux. Ensuite descendent les Anges du septième ciel pour envelopper le tout et former un cercle dont les éléments sont soixante-dix fois plus nombreux.
Pendant tout ce temps, les hommes se pressent, se repoussent et se mêlent entre eux jusqu’à ce que le pied d’un homme se trouve au-dessus de mille autres pieds, tant la foule est compacte. Les gens sont plongés dans divers degrés de sueur : les uns jusqu’au menton, d’autres jusqu’à la poitrine, d’autres jusqu’à la gorge, d’autres jusqu’aux épaules, d’autres jusqu’aux genoux. Les uns transpirent légèrement comme s’ils étaient dans un hammam, d’autres sont plus trempés de sueur, comme un homme assoiffé lorsqu’il boit de l’eau. Ceux qui sont trempés de sueur sont ceux qui siègent dans des chaires ; ceux qui sont légèrement mouillés de sueur sont ceux qui occupent des trônes ; ceux qui ont de la sueur jusqu’à la cheville sont les hommes qui sont morts noyés. Les anges les rassurent en ces termes : « N’ayez aucune crainte aujourd’hui et ne vous chagrinez point ». Un homme versé dans la connaissance m’a indiqué d’ailleurs que ces gens sont les repentants comme Fudhayl Ibn ‘Iyadh et bien d’autres. En effet, nous avons comme preuve attestant cette règle générale la parole suivante du Prophète – que Dieu lui accorde Grâce et Paix : « Celui qui se repend de son péché, c’est comme s’il n’en avais pas ». Telles sont les trois catégories de gens : les uns sont trempés de sueur, les autres en sont seulement mouillés, les derniers en ont jusqu’à la cheville. Leur visage sera blanc tandis que celui des autres sera noir.
Comment dans toutes ces conditions n’y aurait-il pas d’angoisse, de sueur et d’insomnie puisque le soleil est si proche de leur tête au point qu’un homme qui tend le bras peut le toucher ? Surtout que sa chaleur est soixante-dix fois plus intense que d’habitude. De plus, un ancien pieux disait : « Si le soleil, tel qu’il sera un jour de la Résurrection, se montrait dans le monde terrestre, il brûlerait la terre, ferait fondre les roches et ferait s’assécher les fleuves ».
Pendant ce temps, les créatures s’agitent sur cette terre blanche que Dieu – qu’Il soit exalté – a mentionnée lorsqu’Il dit : « Le jour où la terre prendra une autre forme ainsi que les cieux, ils comparaîtront devant dieu, l’Unique, le Tout-Puissant ». Ainsi, au cours du Rassemblement, les hommes se divisent en diverses catégories. Les monarques des habitants de la terre sont semblables à de minuscules fourmis, comme le rapporte un récit traditionnel relatif à la situation des orgueilleux. A vrai dire, ils ne se transforment pas réellement en fourmis, mais à force d’être piétinés par la foule, ils sont devenus, dans leur abaissement et leur humiliation semblables à des fourmis.
Il y a aussi des hommes qui se désaltèrent avec une eau fraîche, douce et pure, car des petits garçons circulent au milieu de leurs parents et leur donnent à boire dans des coupes remplies aux fleuves du Paradis.
Un homme parmi les anciens pieux raconte avoir fait un songe dans lequel il assistait à l’avènement du jour de la Résurrection et se voyait pendant se Rassemblement comme en proie à la soif. Comme il y avait des petits garçons qui donnaient à boire aux gens, ils les appela en leur disant : « Donnez-moi une gorgée d’eau ».
L’un d’eux lui dit : « As-tu un fils parmi nous ? » L’homme répondit : « Non ». Le petit garçon lui dit alors : « Dans ce cas, non » ? C’est d’ailleurs là où apparaît le mérite du mariage. Pour ce qui est des conditions relatives à ces petits garçons distribuant de l’eau à leurs parents.
Il y a également des hommes au-dessus de la tête desquels se déploie une ombre qui les protège de la chaleur. Cette ombre les préserve grâce à leur charité distribuée pendant leurs vies antérieures. Ils ne cessent d’être ainsi protégés pendant mille ans jusqu’à ce qu’ils entendent le son de la Trompette, et qui fait partie des secrets que renferme le Coran. Devant l’intensité du son qu’elle dégage, les cœurs se mettent à trembler et les regards à s’abaisser par crainte et humilité. Les têtes des croyants et des mécréants se tournent dans sa direction, car ils croient qu’il s’agit d’un châtiment supplémentaire destiné à augmenter encore les horreurs du jour de la Résurrection. C’est alors qu’apparaît le Trône porté par huit Anges dont la longueur des pas équivaut à vingt mille années de marche. Pendant tout ce temps les cohortes d’Anges et les diverses espèces de nuées tumulte que nul intellect ne peut supporter, jusqu’à ce que le Trône prenne place sur cette terre blanche que Dieu – qu’Il soit exalté – a créé spécialement dans ce but. Alors toutes les têtes se baissent, les cœurs se resserrent, les âmes se dérobent, les créatures sont remplies d’épouvante, les prophètes sont terrifiés, les savants sont terrorisés, les saints et les martyrs sont effrayés. Ils sont tous effrayés devant le châtiment de Dieu que nul ne peut supporter.